Achète-t-on une œuvre d’art originale quand on achète un multiple ?

Cet article concerne les amateurs et les collectionneurs de photographies, de lithographies, de gravures, de sculptures issues de la fonte et de tapisseries.

René Fumeron – La châtaigneraie – Tapisserie d’Aubusson tissée par l’atelier Pinton
Avec un bolduc, n°EX/A – Circa 1970
Galerie Sébastien Meunier – Spécialiste de la tapisserie du XXe siècle

Le mot « multiple » a deux définitions dans le domaine des arts.

Au sens large, le multiple est une œuvre d’art qui remplit les 3 conditions suivantes :
– elle est réalisée en plusieurs exemplaires identiques,
– d’une façon artisanale,
– en utilisant une matrice unique.
C’est donc le cas des photographies, des gravures et lithographies, des sculptures issues de la fonte et des tapisseries.
Le nombre d’exemplaires reproduits peut être infini ou limité par l’usure de la matrice ou la destruction volontaire ou involontaire de celle-ci.

Mais le terme de « multiple » a une définition plus stricte pour le Droit français.
– Un certain nombre d’exemplaires de ces objets pourra être qualifié « d’œuvre d’art originale ».
– Au-delà de ce nombre, chaque exemplaire s’appellera « multiple » et sera considéré comme un objet d’usage et non plus comme une œuvre d’art.
(NB : Un objet d’usage est un bien de consommation courante comme un téléphone, un balai…)

Ce nombre d’exemplaires est déterminé non pas par les artistes ou les historiens de l’art mais par le Code général des impôts.
Celui-ci a besoin de fixer ce nombre précisément afin de déterminer le taux de T.V.A. qui porte sur une œuvre originale (le taux réduit : 5,5%) et le taux qui porte sur un multiple (le taux égal à celui d’un bien de consommation courante : 20%).
Ainsi dans les domaines de la photographie, de l’estampe, de la sculpture, de la tapisserie, la réglementation fiscale fixe pour chaque technique le nombre d’exemplaires que l’on peut qualifier « d’original ».

Pour l’article 98 A de l’annexe III du Code général des Impôts, sont originaux :

  • Photographie : 30 exemplaires quelque soit le format et le support.
    Conditions : elle doit avoir été prise par l’artiste, développée par lui ou sous son contrôle, signée et numérotée.
  • Gravure, estampe ou lithographie tirée en nombre limité, numérotée et signée.
    Conditions : le procédé de tirage doit être artisanal et la matrice dessinée de la main de l’artiste.
  • Tapisserie : 8 exemplaires.
    Conditions : tapisserie faite à la main et réalisée d’après les cartons de l’artiste.
  • Sculpture issue d’une fonte (donc d’un moule) : 8 exemplaires + 4 épreuves d’artistes (additif du Code déontologique des fondeurs d’art).
    Conditions : l’exemplaire doit être numéroté et le tirage avoir été contrôlé par l’artiste ou par ses ayant-droits.

Concernant les sculptures issues d’une fonte :
En 1993, le Syndicat Général des Fondeurs d’Art a réalisé un Code Déontologique des Fonderies d’Art qui est venu compléter les dispositions du Code général des impôts :
– L’artiste doit avant même la réalisation de la première pièce déclaré si sa sculpture sera une pièce unique ou un multiple avec un nombre de tirages originaux.
– Aux huit exemplaires originaux du CGI s’ajoutent quatre autres exemplaires appelés
«épreuves d’artiste» qui seront numérotés en chiffres romains.
– Une sculpture originale tirée par un fondeur d’art professionnel devra comporter obligatoirement la signature de l’artiste, le numéro du tirage et le cachet de la fonderie.

Une des utilisations principales de la distinction entre un original et un multiple :
Elle peut servir à écarter certains objets du forfait mobilier pris en compte dans l’assiette d’une succession.
Dans ce cas, si l’objet est considéré comme un objet d’art et non pas comme un multiple, il est apprécié à sa valeur marchande et ne peut être inclus dans le forfait mobilier égal à 5% des autres biens.
Vous pouvez lire à ce sujet : L’évaluation des meubles et objets d’art pour le règlement des frais de succession.

Le texte intégral de l’article.  

Sont considérées comme oeuvres d’art les réalisations ci-après :

1° Tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste, à l’exclusion des dessins d’architectes, d’ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d’ateliers ou usages analogues ;

2° Gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d’une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée à l’exception de tout procédé mécanique ou photomécanique;

3° A l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l’artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ;

4° Tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu’il n’existe pas plus de huit exemplaires de chacun d’eux ;

5° Exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l’artiste et signés par lui ;

6° Emaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste ou de l’atelier d’art, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie ;

7° Photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.