Une estampe japonaise de Kunisada/Toyokuni III de 1845 (EJ-01) expertisée

Objet documenté et évalué.

2 thèmes abordés aussi : dater grâce au sceau de censure, comment un artiste de l’estampe choisit-il son nom ?

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Dans un e-mail, rappelez, s’il vous plait, le n° de référence de l’estampe : EJ-01

Cette estampe a été documentée et évaluée :

Une estampe japonaise originale de KUNISADA appelé aussi TOYOKUNI III
(1786-1865)
Son nom de famille : Utagawa
Les artistes de l’estampe signent toujours avec leur prénom .

Le sujet : Une jeune femme, un enfant qui tient une grue faite en origami et, dans le médaillon, une représentation du dieu Fukurokuju, (fuku = bonheur, roku = santé, ju= longévité), un des 7 dieux de la mythologie japonaise.

3 mentions écrites : 2 mentions dans un cartouche et une mention libre.
(Définition d’un cartouche : cadre contenant des inscriptions)

1) En haut, un cartouche rouge : le titre de l’estampe (non déchiffré)
Les caractères utilisés à cette époque ne sont pas toujours compris même par les japonais contemporains.
Durant la période Meiji (1868-1912), grande époque de la modernisation du Japon, l’écriture est réformée dans le sens d’une simplification. Les caractères japonais actuels sont très proches de ceux fixés par la réforme. Cette estampe est antérieure à la réforme de l’écriture.

2) A droite des personnages :
La signature : on lit « Ichiyosai Toyokuni ga »
« Ichiyosai Toyokuni » est le nom sous lequel Kunisada signe vers 1844-1845.
« ga » signifie  » dessiné par « .

3) Sous les personnages, un cartouche contient le cachet de l’éditeur.
Cet éditeur est Fujioka-ya Keijiro.
Ce cachet est gravé dans la plaque de bois qui contient les traits de contour de tous les motifs.

On peut dater cette estampe de Toyokuni III grâce au sceau de censure.

Ce tirage date de 1845.
Cette date est attestée par la présence du cachet rond du censeur Hama Yahei qui a officié cette année là.
(On trouve aussi le cachet de ce censeur de 1847 à 1853 mais accompagné du cachet d’un autre censeur, ce qui permet de faire la différence.)

Les dates d’impression et d’édition (publication) ont été rendues obligatoires sur les estampes par la loi de 1887 durant l’ére Meiji.
Pour les estampes imprimées avant cette période, on examine le cachet de la censure qui permet de dater le tirage d’une façon assez précise. Le cachet de la censure est obligatoire entre 1790 et 1875, et, très souvent, il varie selon les années.
Quelquefois, il est nécessaire de croiser l’information donnée par le cachet de censure avec le type de signature utilisé par l’artiste, qui peut être variable aussi selon les années.
Entre 1790 et 1841 par exemple, le cachet apposé est un cachet simple portant juste la mention « Kiwame » (approuvée) sans précision de date. On doit donc faire des recherches pour savoir si la signature de l’artiste peut nous renseigner plus précisément sur la date du tirage.

Le bureau de la censure valide ou pas le sujet de l’estampe selon les règles édictées par le gouvernement militaire (en place de 1603 à 1867).
Les représentations interdites : les sujets de nature politique, les personnalités notoires (sauf celles du monde du spectacle), les scènes érotiques.
La première épreuve est envoyée au service de la censure accompagnée de la planche de trait de contour. Si l’estampe est validée, le sceau de censure est gravé.
Mais certaines estampes ne portent pas de cachets de censure. Ce sont les estampes diffusée en édition privée et limitée appelées « Surimono » (estampes « cadeaux » plus luxueuses) et les estampes « clandestines » que sont les Shunga (estampes érotiques).

Évaluation de cette estampe : 130 € – 140 €

Annexe : Comment fonctionne les noms d’artistes de l’estampe ?

On appelle couramment cet artiste « Kunisada/Toyokuni III  » car un de ces 2 noms est toujours présent dans sa signature.
Son histoire permet de comprendre le système des noms des artistes de l’estampe japonaise.

Son nom de naissance est Sumida Shogoro.
Il rentre vers l’âge de 14 ans à l’école de dessin d’estampes Utagawa.

Son maître est Toyokuni, le fondateur de cette école. La plupart des artistes du XIXe sont rattachés à cette école, la plus célèbre à cette période. C’est un lieu d’enseignement mais le terme « école » est à interpréter aussi au sens de « mouvement » car il y a véritablement un style Utagawa.

Sa première estampe parait en 1807. Il doit donc prendre à ce moment là un nom d’artiste. Il choisit « Kunisada », nom formé avec une des syllabes du nom de son maitre comme c’est l’usage (en l’occurence « kuni »).

Son nom de famille devient Utagawa comme tous les élèves qui ont été formés par l’école.

Toyokuni, son maitre, meurt en 1825 donc Kunisada pense prendre son nom.
Kunisada, qui est alors son plus brillant élève, pense alors légitimement devenir le chef de l’école Utagawa. Mais la famille de Toyokuni choisit un artiste nommé Toyoshige simplement parce qu’il est l’époux d’une fille de la famille Toyokuni.
Toyoshige prend le nom de Toyokuni II.

Il meurt en 1835 et il s’écoule 9 ans (1844) avant que Kunisada deviennent chef de l’école Utagawa sur décision de la famille Toyokuni.
Il prend alors le nom de Toyokuni III et commence à signer ainsi vers 1844-1845.

Chez les meilleurs artistes de l’école de l’école Utagawa, la succession des noms portés est codifiée.
Le dernier nom qu’ils portent dans leur vie d’artiste est Toyokuni, celui du fondateur de l’école. Ce nom est emprunté quand le Toyokuni de niveau supérieur décède.
Pour les dissocier, on leur attribue un numéro en chiffre romain.

Prenons les Toyokuni de I à V :
Chaque nouveau Toyokuni en a formé un autre. (Le signe -> signifie « va s’appeler »)

  • Toyokuni (I, le fondateur)
  • Toyoshige -> Toyokuni (II)
  • Kunisada (I) -> Toyokuni (III)
  • Kochoro -> Kunimasa (III) -> Kunisada (II) -> Toyokuni (IV)
  • Kochoro (II) -> Kunimasa (IV) -> Kunisada (III) -> Toyokuni (V)

Par exemple, Toyokuni V s’est donc appelé successivement Kochoro, Kunimasa, Kunisada, puis Toyokuni. Il a emprunté ces noms quand son maitre les a abandonnés.

Il y aura 5 Toyokuni successifs, de I à V, mais aussi 3 Hiroshige : celui des relais du Tokaido (1797-1858), puis Hiroshige II (1826 – 1869) et Hiroshige III (1842-1894), toujours par relation avec un maitre formateur.

Mais les artistes peuvent aussi changer de nom tout au long de leur vie pour diverses raisons, souvent parce qu’ils renouvellent leur style ou leur répertoire de sujets.
Ainsi Hokusai a utilisé une trentaine de noms différents principalement pour cette raisons.

Testez vos connaissances sur l’estampe japonaise ou visitez un catalogue :

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