Une estampe japonaise d’Hiroshige (EJ-02) expertisée
Objet documenté et évalué.
Le contributeur décrypte les mentions de cette estampe, explique ses critères d’évaluation et traite de la différence entre une estampe originale et une réédition d’estampe.
Vous pouvez apporter un complément d’information en commentaire (ci-dessous) ou en écrivant à contact@prodezarts.com
Dans un e-mail, rappelez, s’il vous plait, le n° de référence de l’objet : EJ-02
Une réédition du 20ème siècle d’une estampe d’Hiroshige (1797-1858)
Titre : Averse soudaine sur le pont Ohashi et le quartier Atake
Série : 100 vues d’Edo (appartient au groupe de l’été)
cette série qui comprend 118 estampes réunies en 4 sous-groupes (un par saison)
Date du premier tirage : 9ème mois de 1857
Dates d’édition de la série : 1856-1858
Éditeur d’origine : Uoya Eikichi
Date de ce tirage : réédition sans doute de la 2ème moitié du XXème siècle
Technique (la même pour une réédition que pour un original) :
L’estampe japonaise est une gravure sur bois.
Un artisan graveur grave des blocs de bois de cerisier sauvage : un bloc pour le trait de contour puis un par couleur. Le travail de gravure est effectué trait pour trait d’après le dessin fait par l’artiste.
Un artisan imprimeur encre ensuite le bloc gravé portant le trait de contour puis il imprime le papier végétal par application de la feuille sur le bloc encré et frottage au baren (tampon fait de lamelles de bambou) sur le dos de la feuille pour faire pénétrer l’encre dans les fibres.
Il répète ensuite cette action pour le bois gravé portant le motif de la couleur à poser la première. Puis il continue le processus d’impression autant de fois qu’il y a de couleurs en pratiquant ainsi de la teinte la plus sombre à la teinte la plus claire.
Définition d’une réédition :
C’est une estampe japonaise réalisée au Japon selon le procédé artisanal traditionnel, à une période postérieure à la mort de l’artiste.
Les bois, un par couleur, sont regravés par un artisan graveur en prenant pour modèle une estampe originale et non plus le dessin fait par l’artiste.
Ce procédé, entièrement manuel, est toujours le même depuis 4 siècles.
Estimation de cette estampe : entre 250 € et 300 €
Détail des mentions de l’estampe
(Voir suite de l’expertise et évaluation à la fin de l’article)
Image ci-dessus :
Signature dans le cartouche rouge : Hiroshige ga (« dessiné par Hiroshige »)
Cachet de l’éditeur dans la marge : Shitaya Uoei
(Résumé de son nom réel : « Uoya Eikichi dans quartier Shitaya »)
Image ci-dessus :
Le titre de la série dans le cartouche rouge : Meisho Edo hyakkei
(littéralement : 100 lieux célèbres d’Edo)
Le nom du lieu, titre de la scène dans le cartouche clair : Ohashi atake-no yudachi Détail :
Ohashi : nom du pont,
Atake : nom du quartier sur l’autre rive,
yudachi : nom japonais désignant une averse d’été, littéralement « phénomène du soir »
Image ci-dessus, dans la marge supérieure : les cachets de censure
A gauche : cachet donnant le mois et l’année zodiacale ( 9ème mois de l’année du serpent, soit 1857)
A droite : caractères se lisant « Kiwame » (approuvé)
Évaluation de votre estampe
Acheter une réédition est une occasion d’acheter une estampe classique, en bon état et à un coût moindre.
Pour toutes les estampes japonaises originaux ou rééditions, les critères qui modulent le prix sont les mêmes :
- l’artiste,
- le motif (sujet, composition) et l’appartenance à une série célèbre,
- l’ancienneté,
- l’état de conservation,
- le grain du bois visible,
- la présence du tirage dans les collections d’un musée.
Pour les rééditions, on ajoute la qualité du tirage : nature du papier, fidélité du trait, respect des couleurs et des dégradés de couleurs par rapport à l’original.
Cette estampe peut-être estimée entre 250 € et 300 €.
A qualité égale, une autre estampe d’Hiroshige de la même série peut couter 4 moins fois cher si elle représente un motif moins demandé.
En tirage original, dans un bon état de conservation, cette estampe vaudrait 4000 € à 5000 €.
Pourquoi chérir votre estampe ?
Ce motif est très recherché des collectionneurs même en réédition.
Il est très esthétique : la composition est originale et novatrice pour l’époque. Hiroshige capte parfaitement le mouvement et l’atmosphère liée à une averse soudaine.
Le rendu de la pluie en traits obliques est toujours très difficile à obtenir pour le graveur et l’imprimeur et le travail sur les dégradés de bleu est également un challenge pour l’imprimeur.
La très bonne restitution du rideau de pluie et du dégradé, tel qu’il a été pensé initialement par Hiroshige, permet de dire qu’il s’agit d’un beau tirage.
Les 100 vues d’Edo : un concentré d’innovations dans l’estampe
N’ayant réalisé que des estampes au format horizontal, Hiroshige commence à dessiner vers 1850 des estampes au format vertical, format peu utilisé avant lui pour le paysage.
C’est l’une des raisons qui donne son caractère novateur à cette série. Ce format offre au sujet un traitement plus dynamique, le regard se focalise une surface dessinée plus étroite et capte mieux l’impression de mouvement donnée par l’artiste.
Dans cette série, les compositions sont également très modernes, paraissant inspirée parfois de la prise de vue photographique (alors que ce n’est pas le cas) et les couleurs sont éclatantes, jouant sur plus le coté décoratif de l’estampe que sur l’aspect documentaire qu’elle apporte.
Hiroshige, un paysagiste de génie
Hiroshige a multiplié les séries décrivant les relais jalonnant les grandes routes, ou celles montrant ce que les japonais appellent des « meisho » ou vues des sites célèbres. Quand il décrit les voyageurs ou les résidents de ces lieux, ses représentations s’apparentent à des croquis pris sur le motif par leur coté vivant et spontané.
Il marque aussi dans ses dessins le passage des saisons, neige abondante en hiver, floraisons du printemps ou pluies d’orage de l’été. Il s’exprime d’une manière expressionniste, cherchant plus à transmettre un sentiment ou une ambiance qu’à décrire objectivement un paysage.
Une source d’inspiration surtout livresque
Il a puisé son inspiration dans ses quelques cheminements sur les routes du japon mais surtout dans ses lectures des romans et guides touristiques qui fleurissaient à cette époque tant les japonais partaient avec avidité à la découverte de leur pays.
Avant Hiroshige, le paysage était une composition symbolique, codifiée, qui suivait encore les canons de représentation de la peinture chinoise. Grâce à Hiroshige, l’approche descriptive entre enfin dans l’estampe. Ce réalisme est en résonance avec les goûts du public japonais au XIXème siècle car aucune forme d’érudition n’est nécessaire pour apprécier ces images.
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