Une gravure d’Antoine Van Dyck, portrait du peintre Suttermans

Objet très documenté et pistes d’évaluation par un contributeur.

C’est une épreuve d’état « avant la lettre » donc plus difficile à évaluer. Le contributeur fournit toutefois des pistes.
La documentation est assez complète au sujet de l’histoire de la série à laquelle cette gravure appartient et le voyage des plaques de cuivre, conservées actuellement au Musée du Louvre.

Demandes initiales concernant cet objet :
Le propriétaire voudrait des informations sur ce tirage. Pouvez-vous le documenter ?
Le propriétaire voudrait avoir une estimation de sa valeur. Pouvez-vous l’évaluer ?

Artiste : Antoine Van Dyck (1599-1641), peintre néerlandais, a été l’élève de Rubens, autres versions de son prénom : Antonhius, Anthony, Anton.

Dimensions de la gravure : 22,2 x 16,5 cm
Dimensions de la feuille : 26,7 x 16,7 cm

Une gravure d’Antoine Van Dyck – Etat avant la lettre

Une impression « avant la lettre » dite « état avant la lettre » est une impression du premier état, avant qu’aucune inscription ne soit gravée sur la plaque.
L’inscription sera placée dans la marge sous le portrait dans le cas de cette gravure. Elle mentionnera l’identité du personnage représenté et le nom de l’artiste.
Il y aura ensuite d’autres impressions d’état successives jusqu’à la mise au point finale de la gravure. Ce sont des tirages tests intermédiaires portant chacun des modifications de la plaque pour que l’artiste se fasse une idée précise du résultat sous forme de gravure.
On les regroupe sous le nom « d’épreuves d’état ».

Une gravure d’Antoine Van Dyck – Detail
Une gravure d’Antoine Van Dyck – Détail
Une gravure d’Antoine Van Dyck – Filigrane
Une gravure d’Antoine Van Dyck – Dos

Contribution de Mme J. collectionneuse d’estampes anciennes.

Cette estampe d’Antoine Van Dyck est une eau-forte, l’une des 19 eaux-fortes dont Van Dyck a gravé les plaques. Parmi ces 19 gravures, 17 sont des portraits.
Sa production en tant que graveur parait limitée comparée aux 300 estampes gravées par Rembrandt. Mais son travail dans ce domaine est considéré comme remarquable.
Cette gravure appartient à un recueil que Van Dyck a nommé « L’iconographie ».

Le portrait de Justus Suttermans a eu 5 états successifs.
Voici l’état final de cette gravure, soit le 5éme état.

Antoine Van Dyck – Portrait du peintre Justus SUTTERMANS – Etat final
Tirage du Metropolitan Museum de New York (USA)

Le détail de la « lettre » (l’inscription) :
 « IVSTVS SVTTERMANS / ANTVERPIENSIS PICTOR MAGNI DVCIS FLORENTINI »; en bas à gauche: « Ant. van Dyck fecit aqua forti. »
Soit : JUSTUS SUTTERMANS : PEINTRE ANVERSOIS DU GRAND DUC DE FLORENCE
Et : Ant van Dyck a fait l’eau-forte

Voir le 3ème et le 4ème état ci-dessous à la fin de cette page

Évaluation de cette gravure

Voici deux résultats de ventes aux enchères. L’état final de cette gravure était en vente.

Chez Thierry de Maigret – commissaire-priseur à Paris – Vente du 20 Novembre 2018
Description : Antoine van Dyck Jost Suttermans.
Eau-forte. Très belle épreuve de l’état définitif. Petites taches. Filet de marges.
(M. Mauquoy-Hendrickx, 12 Ve/V). 252 x 165 mm
Résultat avec frais : 191 € pour une estimation entre 150 € et 200 € (Frais 27,60 %).

Chez Kahn et associés- Commissaire-priseur à Paris – Vente du 30 juin 2015
Description de 4 gravures mises aux enchères en un seul lot
de Antoine Van Dyck :
   –  Justus Sustermans Eau-forte, 25,5 x 17 cm, bonnes marges (New Hollstein 11 v/v). Belle épreuve de l’état définitif, restes de collant au verso. Provenance: Loys Delteil, avril 1889 (marque manuscrite, Lugt 666).
   – Lucas Vorstermans, eau-forte (N. H. 12 vii/vii), belle épreuve de l’état définitif, rousseurs;
– de Peter van Laer, Le Cheval pissant, planche de la suite de six Chevaux, eau-forte (Hollstein 11), belle épreuve
– d’après Ruysdael, Paysage, eau-forte. Ensemble 4 pièces.
Résultat : Lot adjugé 200 €.

Mais nous ne nous arrêterons pas à ces résultats car il s’agit d’une épreuve d’état :

Les épreuves d’état sont des tirages plus rares que l’état final. Tirages intermédiaires de la gravure, elles sont donc imprimées qu’en nombre d’exemplaires réduits. Elles risquent aussi d’être détruites plus facilement.
Les épreuves d’état expriment plus directement l’inspiration de l’artiste. Parfois, les plaques passent d’un éditeur à un autre. C’est le cas des plaques de l’Iconographie de Van Dyck. Face à un premier état, celui de cette gravure, on est au moins sûr que seul l’artiste y a travaillé et non pas une succession de graveurs qui ont pu y apporter des modifications.
Elles sont plus rares et les collectionneurs s’attachent à les rechercher. De ce fait, selon la loi de l’offre et de la demande, la cote des épreuves d’état est plus élevée.

Histoire de l’oeuvre gravée de Van Dyck

Source :
– Extraits de « L’iconographie d’Antoine Van Dyck : d’après les recherches de H. Weber » par Franz Wibiral – 1877 – Ouvrage numérisé par L’Institut de recherche Getty.
– Site du Fitzwilliam Museum de l’université de Cambrige (Grande-Bretagne).

Le nom d‘Iconographie de Van Dyck est donné couramment à un groupe de gravures qui connut de très nombreuses éditions depuis celles de Martin Van den Enden (avant 1640) qui ne comportaient que quatre-vingts planches et celles de Gillis Hendricx (à partir de 1645) qui en comportaient une centaine (d’où son nouveau nom de Centurie),

La gravure en taille-douce fut confiée au burin des plus grands maîtres de l’époque (NBC : les graveurs de Rubens). Lucas Vorsterman et Paulus Pontius ont gravé la majorité des plaques de cuivre.
Cependant Van Dyck ne se contenta point de choisir les meilleurs graveurs et de surveiller leur travaux, il se mit lui- même à l’œuvre et coopéra à la gravure de plusieurs planches.

Il nous est parvenu un nombre de feuilles, épreuves d’essai de planches plus ou moins terminées, qui ont été retouchées par la main de Van Dyck à l’encre de Chine, évidemment pour servir d’exemple aux graveurs et qui prouvent son influence immédiate sur ces travaux.

La première édition des planches est celle qui porte l’adresse de l’éditeur ou imprimeur d’estampes Martinus Van den Enden D’Anvers,

En 1644, la plus grande partie du fonds de M. van den Enden devint la propriété de l’éditeur Gillis HENDRICX à Anvers dont les quatre-vingt planches de L’Iconographie.
A ces pièces, Gillis Hendricx joignit les quinze eaux-fortes de Van Dyck, dont il avait probablement, vers la même époque, acquis les cuivres, et, en ajoutant encore quelques autres planches gravées d’après le même artiste, il porta l’Iconographie à 100 portraits. Il la publia à Anvers en 1645, munie pour la première fois d’un titre «la Centurie.»

Les plaques ont été vendues aux enchères après le décès de Hendricx en novembre 1677. Deux frères, Henry et Corneille Verdussen, en ont publié une édition vers 1720, baptisée « Le Cabinet des plus beaux portraits ». La localisation des plaques au cours au cours des décennies qui ont suivi reste un mystère.

Les plaques ont été vendues par la veuve d’Henry Verdussen en 1752. Elles ont probablement été achetées par Arkstee et Merkus, éditeurs avec des établissements à Anvers et à Leipzig. Ils ont publié une édition en 1759 avec une page de titre sur laquelle le nom Iconographie (ou plutôt Iconographie ) apparaît pour la première fois. 

Les plaques ont refait surface presque un siècle plus tard, en 1851, lorsqu’elles ont été achetées par le département de la Chalcographie du musée du Louvre à Paris. Le Louvre a galvanisé les plaques pour les préserver de l’usure ultérieure.

Il serait à peine possible aujourd’hui de recueillir un exemplaire complet de l’Iconographie dans tous les états des planches. Quelques-uns d’entre eux sont réellement uniques ou sont éparpillés dans les collections publiques.
Pour les portraits, il y en a qu’on trouve assez rarement, mais on peut pourtant les recueillir au complet, le fonds flottant, dont le marché est pourvu, étant en quantité considérable. Mais les épreuves bien conservées s’obtiennent en général très difficilement.

Suite : notice extraite du catalogue raisonné de Wirbal au sujet de cette gravure :

NB du contributeur : Wirbal donne pour chaque épreuve d’état son degré de rareté.
Rappel : cet ouvrage date de 1877.

SUTTERMANS (Juste), né à Anvers en 1597, mort en 168 r; peintre de portraits et d’histoire du grand-duc de Toscane.
Etat I. Avant la lettre, avant le trait carré qui entoure la gravure. — De la dernière rareté.
.Etat II. Avec le trait carré et avec le titre JUDOCUS Citermans Ant- VERPIENSIS PlCTOR MAGNI DUCIS FlORENTINI. Allt. van Dyck fccit aqua forti. Avant G. H. — Extrêmement rare.
Etat III. Même titre, avec l’adresse G. H. — Très-rare.
Etat IV. Même adresse, mais le nom corrigé ; on y lit JuSTUS SUTTER- MANS. — Rare.

Les autres épreuves d’état de cette gravure :
Source images et commentaires : le Fitzwilliam Museum de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne)

Antoine Van Dyck – Portrait du peintre Justus SUTTERMANS
1er état sur 5

C’est une impression du premier état, avant qu’aucune inscription ne soit gravée sur la plaque. À ce stade précoce, il n’y a qu’une seule ligne instable pour indiquer la marge. (…).

Antoine Van Dyck – Portrait du peintre Justus SUTTERMANS
3 ème état sur 5

Il s’agit d’un état postérieur, avec des modifications apportées après l’acquisition des plaques par Gillis Hendricx en 1644. La partie inférieure apparaissant dans le premier état a été polie, (NBC : elle n’accroche plus l’encre), et une inscription a été ajoutée, identifiant Sustermans comme un peintre anversois. (…)  Ici, le nom de Susterman est orthographié Judocus Citermans ; dans l’état suivant, l’orthographe est modifiée en Justus Suttermans .

Antoine Van Dyck – Portrait du peintre Justus SUTTERMANS
4ème état sur 5

Le portrait est très proche de l’état final. La tête de Suttermans est très travaillée, le costume est en partie fini et la zone située dans le coin gauche n’est composée que de lignes sommaires. 
Cependant, cette plaque a été peu modifiée ultérieurement, ce qui signifie que les lignes gravées de Van Dyck restent présentes à l’état pur.

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Dans un e-mail, rappelez, s’il vous plait, le N° de référence de l’objet : ES-08