Une estampe japonaise d’Utamaro (EJ-30) expertisée

Objet documenté et estimé par un contributeur spécialiste.

Demande initiale du propriétaire : quelle est l’opinion de Prodezarts quant à la qualité de cette estampe d’Utamaro et à son prix ?

Le propriétaire est entré en possession de cette estampe chez un petit antiquaire de Tokyo, il y a 40 ans. L’encadrement a été réalisé au japon.

Vous pouvez apporter un complément d’informations ou poser une question soit en commentaire, soit en écrivant à  contact@prodezarts.com
Dans un e-mail, rappelez, s’il vous plait, le n° de référence de l’estampe : EJ-30

Estampe documentée et estimée :

Il s’agit d’une estampe japonaise d’Utamaro, nom de famille Kitagawa (vers 1750 – 1806). Elle a été réalisée d’après une estampe de l’artiste éditée en 1798. Elle a été imprimée au XXème siècle.
(Voir image ci-dessous)
L’estampe d’Utamaro qui a servi de modèle est conservée, entre autres, dans les réserves du MFA, Museum Of Fine Arts de Boston (USA). Nous avons consulté la fiche du MFA avant de rédiger cet article. La fiche du MFA Ici.

Utamaro – « L’extermination de la nue » – Série E-kyôdai (« Images sœurs »)
Musée de Portland (Maine – USA)


Les particularités de l’estampe soumise à Prodezarts sont :
– Elle ne reproduit qu’une partie du dessin original,
– La partie reproduite l’est avec des coloris différentes : non pas les couleurs d’origine mais un dessin en azuri-e, c’est-à-dire monochrome et n’utilisant que des variantes autour de la couleur bleue.
– Le cachet de l’éditeur n’est pas reproduit.
– La signature n’est pas celle de l’estampe qui a servi de modèle :  « Kitagawa Utamaro hitsu » (du pinceau de Kitagawa Utamaro) pour l’estampe traitée ici, « Utamaro hitsu » pour le modèle.

Les différences avec le dessin de l’estampe japonaise d’origine
Sur celle-ci, dans un cartouche rectangulaire figure une scène qui donne son nom à l’estampe : « l’extermination de la nue ». La nue est une créature fantastique qui appartient au monde des Yôkai, les esprits, monstres et fantômes qui peuplent l’imaginaire japonais.

Le titre donné par la fiche du Museum of Fine Arts de Boston est sans doute celui-ci choisi par l’auteur du catalogue raisonné de référence  mais pas par Utamaro. Le titre n’est, en effet, pas mentionné sur l’estampe

Le nom de la série est mentionné dans le cartouche en haut, à gauche : E-kyôdai, que l’on peut traduire littéralement par « images soeurs ». (Kyôdai a le sens du mot anglais « siblings » c’est-à-dire « frères et sœurs »). Ce nom désigne donc des images que l’on associe par parenté.

Utamaro utilise en effet dans cette série la parenté entre 2 situations.
Le garçon a capturé un rat dont la queue dépasse du piège. Des samouraïs ont fait de même pour une créature nuisible à longue queue. Il s’agit sans doute ici de l’illustration d’une légende que les japonais du XVIIIème pouvaient reconnaitre au premier coup d’œil.
Un des deux samouraïs tient une torche, la jeune femme éclaire la scène avec une flammèche.
Utamaro utilise un artifice proche de la parodie, artifice auquel ont souvent eu recours les dessinateurs d’estampes : représenter une scène banale ou triviale de la vie quotidienne en regard d’un propos de nature plus « élevé », lié à l’histoire ou à la mythologie japonaise.
Ce procédé humoristique mais exigeant un minimum de culture était très apprécié de la classe commerçante bourgeoise, clientèle que ciblait avant tout les éditeurs d’estampes japonaises.

Notons au passage que l’estampe conservée au MFA de Boston est elle-même une réédition de l’estampe originale datant de 1798. La fraicheur des couleurs, la parfaite intégrité des bords, en résumé, l’absence totale d’altération due au temps indique qu’il s’agit d’une estampe imprimée au XXème siècle avec des bois regravés. Nous n’avons pas trouvé d’image représentant l’estampe originale. Mais nul doute que celle-ci existe.

L’image reproduite ci-dessus vient du Musée de Portland (Maine – USA), celle du MFA n’étant pas enregistrable. Elle possède également les mêmes caractéristiques de fraîcheur indiquant une réédition.

L’estampe proposée à l’étude de Prodezarts
il s’agit d’une estampe japonaise  au sens où elle est vraisemblablement le résultat d’une impression après apposition d’encre sur des bois gravés.
Les pontuseaux du papier indiquant un papier de fabrication artisanale sont tout à fait visibles.

Rappelons le mode de réalisation d’une estampe japonaise :
Un artisan graveur a gravé les blocs de bois d’après le dessin d’un artiste : un bloc de bois pour le trait de contour puis un par couleur.
Ensuite, un artisan imprimeur a encré le bloc gravé portant le motif de la couleur à poser la première. Il a imprimé le papier végétal de façon traditionnelle par application de la feuille sur le bloc encré et frottage au baren (tampon fait de lamelles de bambou) sur le dos de la feuille pour faire pénétrer l’encre dans les fibres. Il a répété cette action autant de fois qu’il y a de couleurs en pratiquant ainsi de la teinte la plus sombre à la teinte la plus claire.

Dans le cas de cette estampe, un bloc pour le trait de contour et peut-être un seul bloc couleur ont été gravés car elle est en azuri-e, c’est-à-dire monochrome et travaillée seulement au bleu de Prusse. Ce pigment est plus ou moins délayé afin d’obtenir de délicats dégradés.

Ce qui donne sa valeur à l’estampe est surtout le cadre aux coins arrondis typiquement japonais.

Estimation de l’ensemble : 200 € – 250 €

Un page de Prodezarts consacrée à une estampe d’Hiroshige expertisée traite aussi plus particulièrement des estampes japonaises rééditées.

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