Pourquoi Jean-Michel Basquiat est-il devenu un artiste cher ?
Jean-Michel Basquiat était un artiste du graffiti. Ses œuvres peuvent maintenant atteindre le prix d’un Picasso sur le marché de l’art. Nous allons voir pourquoi.
Un crâne à 110 millions de dollars
En 1980, Jean-Michel Basquiat survivait à peine en vendant ses dessins 50$ pièce. Aujourd’hui, certaines de ses peintures se vendent plus de 50 millions de dollars.
Son record actuel : un tableau de 1982, qu’il a peint à l’âge de 21 ans, s’est vendu 110,5 millions de dollars (93,8 millions d’euros) en 2017. Ses premiers acheteurs l’avaient acquis pour 19 000 $.
Ce résultat date de 2017. Il a été obtenu aux enchères chez Sotheby’s. Mais il reste un cas d’école que nous allons étudier dans cet article.
Pourquoi Basquiat est-il un artiste cher ?
L’artiste coche beaucoup de cases de la liste des critères qui expliquent que la cote d’un artiste décolle puis s’envole :
– Basquiat a vécu « une vraie vie d’artiste » avec une part de romantisme et un décès tragique : un jeune tagueur New-Yorkais afro-américain décédé en 1988 à l’âge de 27 ans d’une overdose. De quoi, alimenter une légende.
– L’effet rareté : le nombre de ses œuvres est important autour de 800 tableaux mais il est limité par sa courte carrière qui a duré 7 ans.
– Son style est tout de suite identifiable. On peut dire immédiatement : ça, c’est un Basquiat !
Ses œuvres sont puissantes, empreintes d’une force primitive. Sa peinture semble instinctive, spontanée mais elle est, en fait, parfaitement contrôlée.
Ses outils : des pinceaux mais aussi des bâtons de bois trempés dans la peinture, des projections de couleurs sur la toile.
Il ajoute souvent des mots et des phrases dans la composition.
– Son mentor était Andy Warhol. Il a reçu son soutien et son influence sans totalement perdre son âme. Ils ont fini par collaborer et produire des œuvres ensemble. La cohabitation des deux égos a été parfois rude mais s’est conclue par un échange de bons procédés. Warhol a été un accélérateur pour la reconnaissance de Basquiat. Le jeune artiste a donné un coup de fouet à l’inspiration de Warhol.
– Ses œuvres s’inscrivent encore dans l’époque actuelle qui revendique la diversité culturelle dans les arts et la musique. Même son look avec dreadlocks est encore actuel.
La case qu’il n’a pas cochée :
Les musées l’ont quasiment ignoré.
Les institutions ne se sont pas positionnées assez rapidement et ses œuvres sont maintenant trop chères pour le budget d’un musée.
Une anecdote douloureuse illustre ce propos.
Basquiat était déjà connu de son vivant. Il a été repéré en 1982 par une galeriste new-yorkaise (Annina Nosei). Puis Il a été représenté rapidement par un gros marchand suisse (Bruno Bischofberger). Des collectionneurs américains ont rapidement acheté ses œuvres dont les époux Schorr.
En 1989, les Schorr ont voulu donner un tableau de Basquiat au MoMA de New York. Le musée a refusé avec l’argument suivant : un tableau de Jean-Michel Basquiat ne valait même pas le prix de son stockage. Le MoMA s’en mord encore les doigts…
Que peut-on ressentir devant un Basquiat ?
Un tableau de Basquiat produit immédiatement un effet émotionnel sur le spectateur :
– L’œil s’attache d’abord aux couleurs vives. Quand le thème est morbide, les couleurs apportent une grande légèreté.
– Le dessin simplifié sans volume, proche du graffiti est rapidement interprété.
– Ensuite, on est tenté de s’attarder à décrypter l’ensemble des signes inscrits ou posés sur la toile. On s’imprègne en fait très vite de ce morceau d’univers sauvage et séduisant.
Pourquoi «Sans titre», un tableau de Basquiat de 1982, peint à l’âge de 21 ans s’est vendu 110,5 millions de dollars ?
Les caractéristiques de l’œuvre qui a été un record de vente.
Une œuvre très fraiche.
Elle sort directement de la collection de ses propriétaires décédés en 2009. Jerry et Emily Spiegel étaient dans les années 1980 un couple de collectionneurs d’œuvres d’artistes émergents. Basquiat leur avait vendu ce tableau 19 000 $ en 1984. L’œuvre n’était jamais passée sur le marché depuis. C’est un critère très attirant pour les collectionneurs / investisseurs.
L’œuvre fait partie de sa période de création la plus recherchée
De l’avis des experts, la période qui est considérée comme étant « la meilleure de Basquiat », se situe entre 1981 et 1983 donc au début de sa courte carrière. Son originalité éclate dans cette forme de peinture instinctive qui est sa marque de fabrique. La demande est très élevée pour cette période chez les collectionneurs.
L’œuvre est très caractéristique de cette période: L’intensité des couleurs et la nervosité des formes lui donnent une force brute.
Un record de vente pour Basquiat mais pas seulement.
La vente de ce tableau de Basquiat a établi 3 records à ce moment-là :
– record pour le prix d’une œuvre d’un artiste américain,
– record pour le prix d’une œuvre d’un artiste afro-américain (une référence pour la tendance actuelle d’exposer et de collectionner les œuvres d’artistes afro-américains),
– première œuvre créée depuis 1980 à se vendre plus 100 millions de dollars.
Est-ce que cette bonne fortune va durer sur le marché de l’art ?
La cote de Jean-Michel Basquiat n’est pas soutenue par sa présence dans les musées.
La présence des œuvres d’un artiste dans les musées élève sa cote aux yeux du marché de l’art et surtout la maintient sur le long terme. Mais ce n’est pas le cas ici. (Voir plus haut).
Un seul record de vente ne suffit pas.
C’est un record de vente pour l’artiste. Mais il faudra que d’autres de ses œuvres atteignent ce niveau de prix pour qu’on puisse conclure que désormais Basquiat entre dans le groupe restreint des artistes les plus chers du monde.
Dans le cas d’un record, les collectionneurs sont incités à vendre et font baisser les prix.
On peut dire le marché de l’art fonctionne souvent de la manière suivante : En règle générale, suite à un record de vente, les collectionneurs ou investisseurs dans les œuvres de cet artiste sont incités à vendre pour profiter de l’aubaine.
Les premières œuvres mises sur le marché ensuite se vendent plutôt bien. Puis, il est saturé d’autant que des œuvres d’une qualité inférieure sont proposées en même temps.
Non seulement, l’effet rareté ne joue plus mais les œuvres de moindre importance ont été mises en vente beaucoup trop cher.
De façon logique, la mise en vente de façon massive d’œuvres dont certaines plus faibles ramène mécaniquement le marché à un niveau plus raisonnable.
On ne peut donc pas assurer que Jean-Michel Basquiat reste dans le peloton des artistes très chers. C’est à suivre ….
En 1989, pour le MoMA de New York un tableau de Jean-Michel Basquiat « ne valait même pas le prix de son stockage ». Depuis le marché s’est chargé de corriger cette absence de vision.
Aujourd’hui, des oeuvres de Jean-Michel Basquiat figurent dans les plus grosses collections privées, celles de Bernard Arnault, Peter Brant ou Philip Niarchos par exemple. Les people comme Robert De Niro, Johnny Depp ou Dennis Hopper ont acheté aussi des Basquiat. Mais les musées n’ont toujours pas suivi.